BRUGERES Alfred

De Encyclopédie : Brigades Internationales,volontaires français et immigrés en Espagne (1936-1939)
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Dans la brochure publiée peu de temps après la mort d'Alfred Brugères, Jules DUMONT résumait ainsi ses premières années :

« Né en 1907 dans un petit village du Massif Central, ALFRED BRUGERES, tout enfant, perdit ses parents. Il resta avec sa grand-mère et son frère.

Les habitudes ancestrales de sa province le destinaient aux travaux du bâtiment. Il vient donc à Paris dès l’âge de 16 ans. Rapidement il devient compagnon cimentier ; il suit les cours professionnels et très jeune est appelé à conduire des chantiers.

Les dures luttes des gars du bâtiment contre le patronat qui exploite surtout les jeunes, l’amènent à subir la répression au cours d’une grève.

Il adhère au syndicat (CGTU), où, malgré son jeune âge, il prend la tête des mouvements revendicatifs des chantiers où il travaille.

En 1924 il adhère aux Jeunes Gardes Antifascistes (JGA). FREDO est membre du Comité National avec son frère qui, lui est responsable du groupe motoriste. A la dissolution des JGA au Cirque de Paris en 1928, il milite aux Jeunesses Communistes, où il est très connu. »

Il fait ensuite son service militaire dans l’Artillerie qu’il a terminé comme chef de pièce de 75. A la sortie du régiment, en 1929, il part comme chef de chantier au Canada. De retour en 1932, il milite activement au PCF, devient membre du Comité de rayon du 14e arrondissement où il forme un Comité de CDH (Comité de Défense de l’Humanité). Toutes ces activités ne l’empêchent pas de faire partie du SRI et d’appartenir « à un groupe de campeurs rouges où sa bonne humeur, sa gaité, ses répartis, son entrain, le font aimer de tous. » (Op. cité, pp. 3-4)

Prenant conscience de ce que la rébellion militaire en Espagne signifie:

« Il perçoit aussitôt l’immense portée de la révolte fasciste, ses incalculables répercussions sur le monde ouvrier ; après l’Ethiopie, l’Espagne vaincue par le fascisme international, c’est Hitler et Mussolini déclarant la guerre aux débiles démocraties, c’est … la répétition de cette trahison sur le sol de la France, c’est la fin des libertés démocratiques, le triomphe du hideux fascisme sur l’Europe asservie, le massacre des chefs les plus aimés du prolétariat. Et sa décision est prise, il ira se mettre sans tarder au service du peuple d’Espagne ! » (J. Dumont, Op. cité p.8 )

Alfred Brugères décide de partir avec son camarade, Pierre Rösli. Après en avoir informé leur cellule - « on ne les dissuade pas mais on ne les encourage pas non plus. Il s’agit d’initiatives individuelles et, en général, le Parti ne les prise pas énormément » - (Delperrié de Bayac, p 43), les deux amis se rendent au 8, rue Mathurin-Moreau où ils rencontrent des Communistes espagnols qui « leur donnent des ordres de mission, cachetés, à n’ouvrir qu’en Espagne. » ils prennent le train le 29 juillet 1936.

L’Espagne

Arrivés à Bourg-Madame, ils passent la frontière et sont interceptés par les miliciens de la CNT-FAI, plutôt hostiles car ils constatent qu’ils ont des recommandations pour le nouveau régiment qui va être créé à Madrid par le PCE. Ils les conduisent, escortés, à Barcelone. Là, ils faussent compagnie aux anarchistes et rejoignent le siège du PSUC. Avec une colonne de ce parti, les deux amis participent au débarquement de Majorque. Celui-ci est un échec. Ils rembarquent sur le Ciudad de Cadiz qui accoste le 6 septembre à Valencia.

Ils partent pour Madrid et rejoignent la Centurie Commune de Paris qui « regroupe une bonne centaine de français et de camarades espagnols ayant vécu longtemps en France » (Dumont, Op cité, p 11).

Lors de la création des Brigades Internationales, en octobre 1936, la Centurie rejoint Albacete et devient la Compagnie de Mitrailleuses du Bataillon Commune de Paris. Nommé commandant de la Compagnie de Mitrailleuses, Alfred Brugères, dit Fredo, participe à tous les combats pour défendre la capitale (voir Bataille de Madrid et Défense de Madrid).

« Blessé une première fois à la tête à L’université, il refuse de se laisser évacuer, mais devant la « Casa Roja », une balle lui traverse le bras ; à peine guéri, après quelques semaines, il rejoint sa compagnie alors au repos à Murcia. » (J. Dumont, Op cité, p 14)

Fredo tombe mortellement atteint, sur Le front du Jarama, le 23 février 1937.

« 23 février 1937. - Cette date est gravée dans ma mémoire comme dans celle de tous les antifascistes. Ce fut un jour, un jour comme les autres que notre FREDO disparut tué bêtement par une balle perdue qui avant de le frapper traversa le bras de l’infirmier qui était en train de le soigner. » (René NOLOT , 23 mois au service de l’Espagne Républicaine, p.11)

« Nous nous étions avancés, Fredo, Paysé et moi pour repérer de nouvelles positions : le soleil éclairait un nid de mitrailleuses qui nous embêtait depuis trois jours. Nous les chatouillons un peu. Naturellement, ils nous répondent. Je m’éloigne pour assurer la liaison quand j’entends crier : « Brancardiers ». […] Sur un brancard, Fredo est allongé, je me penche : « Rien à faire, camarade, il est mort. » Il me faut toute mon énergie pour retenir mes larmes : un révolutionnaire ne pleure pas. Prunier et Paysé arrivent. Nous nous serrons la main sans un mot. Poignée de main, qui est tout un discours, un serment. » (Marcel SAGNIER, Op cité p.56)

Il fut enterré au cimetière de Perales de Tajuña (sépulture n° 25).

Un héros populaire

Si son nom ne dit plus rien aujourd’hui, Alfred Brugères était extrêmement populaire parmi les brigadistes français du Bataillon.

Voici les premières impressions de René Nolot, fraîchement arrivé en Espagne, et qui vient d’être affecté à la Compagnie de Mitrailleuses:

« Etant mitrailleur, comme de juste, je suis versé à la CM. Le commandant de cette unité est un jeune homme énergique, juste, connaissant son affaire, adoré de ses hommes Fredo BRUGIERE a déjà fait ses preuves. » (René NOLOT, 23 mois au service de l’Espagne Républicaine, p 6)

« Quelques temps après, des gars ont écrit et récité des vers sur Fredo pendant les journées de repos :

C'était un gars du Bâtiment / Bravant la peine et les tourments / Sans cesse il avait lutté / Pour défendre la Liberté. /

Quand éclata la tragédie, / Des Crimes, des incendies, / En Espagne il vint lutter / Pour défendre la Liberté. /

Il laissa là tous ses amis. / N'ayant en tête d'autres soucis / Passer vite les Pyrénées / Pour défendre la Liberté. /

Il fit Majorque, puis Madrid / Montrant ici comme à Paris, / Son ardeur et sa volonté / Pour défendre la Liberté./

Un jour triste de février, / Au Jarama il est tombé / Jeune il fut assassiné / Pour défendre la Liberté /

Si nous ne pouvons le pleurer / Fascistes nous serons vengés / En vous chassant sans pitié, / Pour défendre la Liberté. /

Sources

J. Dumont et M. Sagnier, Alfred Brugère, notre Fredo, Publication du Commissariat de Guerre des Brigades internationales, Madrid, 1937 - Nolot, René, 23 mois au service de l’Espagne Républicaine, RGASPI (Moscou, F.545. Op.3 D.394) - M. Sagnier En Espagne avec le bataillon Commune de Paris Zeitgeist Editions, 2022 - Delperrié de Bayac, les Brigades Internationales, Fayard, 1968